De notre République

CRLDHT Newsletter 25 Juillet 2023

La République tunisienne a affronté bien des dangers depuis le 25 juillet 1957, date de sa proclamation. Les convulsions qu’elle a connues, dès le lendemain de l’indépendance, ont failli l’emporter.

Une fois le beylicat aboli, le présidentialisme bourguibien l’a progressivement transformée en une monarchie républicaine, certes moderne mais dépourvue de libertés. Puis, le régime autoritaire de Ben Ali en a fait une république policière. En 2011 advient la révolution qui lui redonne des couleurs.

On parle alors de la « seconde république », une république qui se montre capable de résister aux coups de boutoir du terrorisme et aux funestes tentatives de transformation en califat*.


Mais aujourd’hui, frappée de plein fouet le 25 juillet 2021 par un coup d’Etat constitutionnel qui a trahi son esprit et réhabilité les formes les plus caricaturales du pouvoir personnel et de l’arbitraire, elle n’a jamais été autant menacée.

Depuis le référendum du 25 juillet 2022, la voilà prise en otage par un discours populiste haineux tenu au plus haut sommet de l’Etat. L’article Un, propre aux différentes constitutions qu’a successivement connues le pays depuis 1957, a été supprimé.

Celui-là même qui, définissant la Tunisie comme « un Etat libre indépendant et souverain, l’Islam sa religion, l’arabe sa langue et la république son régime », faisait consensus.

Il en va de même de l’article deux qui, jusqu’alors, lui conférait le caractère d’un « Etat civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit ».

Disparue également la référence aux droits humains, à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la liberté de conscience, autant d’apports liés à la modernisation de la République en 2014.

Au lieu et place de ces deux articles, un article 5 de la Constitution de 2022 renvoie désormais à « la nation islamique » et fait obligation à l’Etat, et à lui seul, d’œuvrer à « la réalisation des vocations de l’Islam authentique qui consistent à préserver la vie, l’honneur, les biens, la religion et la liberté ».

En fait, la nouvelle Loi fondamentale revient, ni plus ni moins, qu’à dévoyer l’idéal républicain.

A cette soi-disant « guerre de libération » que le président Kaïes Saïed prétend mener contre « les ennemis du peuple », nous devons lui opposer l’espérance qui n’a pas disparu des attentes de la population.

En témoignent les nombreuses actions collectives de protestation menées depuis ce coup de force du 25 juillet 2021, animées notamment par l’aspiration de franges de la jeunesse et de femmes à préserver des acquis essentiels comme les libertés d’expression, d’association, de manifestation et à lutter pour la dignité et contre les inégalités qu’elles soient économiques, sociales, territoriales, culturelles, de genre ou racisées.

Tels sont pour nous les piliers de la République qu’il nous faut continuer de défendre afin que ces principes redeviennent le socle de l’identité commune des Tunisiennes et des Tunisiens.

Ceci implique non seulement de renouer avec les fondements sociaux et démocratiques de l’idéal républicain mais aussi de restaurer la légalité constitutionnelle et de chasser de notre imaginaire ces chimères populistes qui ne font que vouer le pays aux ténèbres.

* Se reporter à l’ouvrage collectif : Que Vive la République !– Tunisie 1957-2017, Editions Alif, 2018

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