Le 10 juillet 2024, la justice tunisienne a rendu des décisions abusives concernant deux figures publiques bien connues, illustrant pour une énième fois l’absence d’indépendance et d’équité du système judiciaire tunisien.
Zaki Rahmouni, ancien membre de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE), a été condamné à deux ans de prison ferme. Face au caractère flou des charges retenues, sa condamnation ne peut que soulever des doutes quant à la transparence et à l’impartialité des procédures judiciaires. Il s’agit là d’une nouvelle manoeuvre déguisée d’intimidation politique, a fortiori dans un contexte pré-électoral où l’ISIE (instance électorale ni supérieure ni indépendante) doit jouer un rôle central.
Dans le cadre de pas moins de cinq affaires intentées contre Sami Ben Slama, ancien membre lui aussi de l’ISIE, jouissant encore juridiquement de l’immunité que lui accorde la loi, celui-ci n’en a pas moins été condamné à des peines totalisant deux ans d’emprisonnement assortis d’une amende de 800 dinars.
Ces condamnations sont injustes et disproportionnées au regard des faits reprochés qui, pour l’essentiel, relèvent de la liberté d’expression théoriquement garantie par les textes en vigueur. Des voix s’élèvent pour dénoncer ce qu’elles perçoivent comme une instrumentalisation de la justice pour faire taire toute critique et dissuader toute forme de dissidence.
Ces condamnations ont été prononcés par un juge réputé aux ordres, le juge Hatem Ben Mlouka, président de la 6ème Chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Tunis lequel est placé sous la tutelle directe du ministre de la Justice par le biais du juge Makrem Jelassi membre du cabinet; elles surviennent en pleine préparation de l’élection présidentielle, ne faisant qu’exacerber un climat politique déjà tendu.
Kais Saied, futur candidat à sa succession, neutralise ainsi ses détracteurs voire ses éventuels concurrents, utilisant l’institution judiciaire pour éliminer toute opposition et avoir la mainmise sur le processus électoral, une stratégie qui pourrait avoir des répercussions graves sur la crédibilité même de l’élection à venir.
Les avocats de M. Rahmouni et de M. Ben Slama ont annoncé leur intention de faire appel, dénonçant des procès biaisés et une absence flagrante de preuves. Cette situation met en lumière les défis persistants auxquels font face les prisonniers politiques et d’opinion. La justice tunisienne souffre d’un manque d’indépendance évident.
Ces condamnations posent des questions fondamentales sur l’Etat de droit en Tunisie. Dès lors que la justice est perçue comme un outil de répression plutôt que comme une garante de l’équité et de la recherche de la vérité, la confiance du public dans les institutions pourrait s’en trouvée sérieusement érodée. En outre, ces décisions risquent fort de dissuader les citoyens à prendre une part active à la vie politique par crainte de représailles.
Il est plus qu’urgent de voir la Tunisie prendre des mesures concrètes pour assurer l’indépendance de son système judiciaire et pour garantir à ses citoyens le droit à un procès équitable.
Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits Humains en Tunisie (CRLDHT), les organisations de défense des droits humains, ainsi que la communauté internationale doivent rester vigilantes et prêtes à intervenir pour sauvegarder ces principes fondamentaux.
Face à ces dénis de justice visant à réduire le champ de la liberté d’expression, le CRLDHT :
● Dénonce avec fermeté les condamnations de Zaki Rahmouni et Sami Ben Slama à des peines de prison ;
● Condamne les attaques du pouvoir contre toute forme d’opposition ainsi que son instrumentalisation du système judiciaire ;
● Affirme son soutien à tous les activistes et militants arrêtés ou poursuivis pour avoir exercé leur liberté d’expression et demande aux autorités tunisiennes de mettre fin aux poursuites judiciaires à leur encontre ;
● Appelle l’ensemble des organisations nationales et internationales ainsi que les forces démocratiques à s’unir face à la répression.