Sonia Dahmani : condamnée pour avoir parlé – la justice tunisienne à genoux devant l’arbitraire

Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) exprime sa plus vive indignation face à la condamnation de Sonia Dahmani à deux ans de prison ferme, prononcée le 30 juin 2025 par le tribunal de première instance de Tunis. Ce verdict, rendu en l’absence de plaidoiries et sans débat contradictoire, marque une nouvelle étape dans l’effondrement de l’État de droit en Tunisie.

Avocate, chroniqueuse et voix critique, Sonia Dahmani a été arrêtée violemment le 11 mai 2024 dans les locaux de l’Ordre des Avocats à Tunis. Des agents en civil ont pénétré sans mandat, l’ont traînée de force, humiliée et arrêtée alors qu’elle cherchait refuge dans un espace censé être protégé. Son arrestation fait suite à une intervention ironique à la télévision dans laquelle elle critiquait la situation socio-économique du pays. Ces propos, sortis de leur contexte, ont été utilisés pour l’inculper sous le décret-loi 54, un texte répressif adopté en 2022 et régulièrement utilisé pour museler les voix dissidentes.

Depuis plus d’un an, Sonia Dahmani est la cible d’un harcèlement judiciaire organisé. Les chefs d’inculpation se sont multipliés, les audiences ont été fixées sans prévenir la défense, et les demandes de libération provisoire systématiquement rejetées. La décision du 30 juin 2025, rendue après le boycott de Sonia Dahmani et de ses avocats pour atteinte manifeste aux droits de la défense, sans aucun débat contradictoire, constitue un déni de justice manifeste.

Sa détention s’inscrit dans un contexte de répression généralisée. Sonia Dahmani est maintenue en prison dans des conditions indignes : isolement prolongé, conditions sanitaires dégradées, restrictions des visites, surveillance constante. Tout est mis en œuvre pour l’affaiblir physiquement et moralement. Sa condamnation ne repose sur aucun fait tangible, mais uniquement sur sa parole libre, critique, engagée et antiraciste, dont la véracité avait été prouvée par ses avocats à l’aide de documents bizarrement disparus du dossier lors de l’audience. Plus grave encore, elle avait déjà été condamnée pour ces mêmes déclarations dans une autre affaire et le président de la chambre s’est obstiné à refuser la demande de la défense de reporter l’audience pour reverser les documents disparus et démontrer la violation de la règle fondamentale du non bis in idem.

Alors que l’élan de solidarité des avocats français avec Sonia Dahmani a permis de mobiliser des avocates et avocats venus spécialement pour assister à l’audience, leur présence a été interdite par les policiers, bien que le président de la chambre l’avait autorisée. Le CRLDHT déplore l’absence complice de toute assistance et présence de la part des structures du barreau tunisien et de l’Association des jeunes avocats tunisiens.

Ce n’est pas seulement Sonia Dahmani qu’on cherche à faire taire. C’est toute une société qu’on tente de réduire au silence. Le décret-loi 54, qui punit de lourdes peines la diffusion d’informations qualifiées de « fausses », est devenu l’outil central de cette stratégie autoritaire. Journalistes, avocat·es, activistes, syndicalistes : nul·le n’est à l’abri d’un procès arbitraire.

Le CRLDHT :

  • Dénonce cette condamnation politique et exige la libération immédiate et inconditionnelle de Sonia Dahmani.
  • Appelle à l’abrogation du décret-loi 54 et à la fin des poursuites abusives contre les défenseur·es des droits humains en Tunisie.
  • Exige également des garanties judiciaires pleines et entières pour toutes les personnes incarcérées : accès à une défense effective, procès équitable, respect de la dignité en détention.
  • Déplore le silence et l’inaction du bâtonnier du barreau de Tunisie, du Conseil de l’Ordre des avocats et de l’Association des jeunes avocats tunisiens face aux graves atteintes aux droits de l’homme et au droit à un procès équitable.
  • Condamne la politique raciste et xénophobe de répression de tous les soutiens aux migrants, dont le jugement du 30 juin 2025 n’est qu’une illustration.
  • Alerte sur la responsabilité politique et morale de la Commission européenne dans la légitimation des violations des droits humains et de la répression des actions humanitaires et antiracistes en Tunisie.

Sonia Dahmani a utilisé sa parole pour dénoncer une injustice. Le pouvoir tunisien répond par l’emprisonnement. Nous n’accepterons pas que la liberté d’expression soit traitée comme un crime. La Tunisie mérite mieux que l’autoritarisme, mieux que le silence imposé. Elle mérite justice.

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