La Tunisie 2025 : ce pays qui ne tient que par ses FEMMES. Et Tout le reste s’effondre

La publication du recensement démographique national en mai 2025 est un événement majeur. Pas seulement parce qu’il s’agit d’un document statistique exhaustif, mais parce qu’il dresse, sans effets de manche, un état d’urgence silencieux. Il révèle ce que nous vivons tous et toutes sans toujours pouvoir le nommer : un pays qui se vide, qui vieillit, qui craque — et qui tient encore debout grâce à celles qu’on ne voit pas.

Les femmes : invisibles et sacrifiées

En 2024, 50,7 % de la population tunisienne est féminine. Dans des régions comme Mahdia, Kasserine ou Gafsa, ce taux dépasse les 52 %. Pourquoi ? Parce que les hommes partent. Ils fuient le chômage, la misère, l’humiliation. Ils migrent. Et ce sont les femmes qui restent, qui assument, qui produisent, qui éduquent, qui résistent.

Dans les champs, les usines, les maisons, elles font tourner le pays — sans statut, sous-payées, invisibles, surexposées à la violence. Et pourtant, elles sont le dernier rempart contre l’effondrement. Cette féminisation accélérée de la société — notamment dans les régions intérieures — n’est pas neutre : elle produit des déséquilibres sociaux, des tensions, des vulnérabilités. Dans un pays conservateur, le risque de féminicides, de déscolarisation des filles, et de marginalisation accrue est réel. La révolution de demain sera celle des femmes, ou ne sera pas.

La diaspora : acteur-clé du futur ignorée du présent

Avec plus de 1,5 million de Tunisien·nes vivant à l’étranger, la diaspora devient un pilier stratégique. Transferts financiers, soutien familial, appui sanitaire et éducatif : sans elle, des pans entiers du pays s’écrouleraient. Mais que reçoit-elle en retour ? Mépris, exclusion, instrumentalisation. L’État la réduit à une boîte à devises.

Et pourtant, si elle se structure aujourd’hui, elle pourrait détenir les clés du pouvoir d’ici 2035. L’économie tunisienne, étranglée par la dette et le manque de liquidités, dépendra de plus en plus de son apport. Le réseau qui saura le mieux activer ce lien aura un avantage décisif.

Les personnes âgées : majorité silencieuse totalement oubliée

En 2024, les plus de 60 ans représentent 16,9 % de la population, avec un taux de dépendance grimpé à 28 % (contre 18 % en 2014). Dans des régions comme le Kef, Jendouba ou Béja, près de 4 habitant·es sur 10 sont âgé·es ou dépendant·es. Et que leur propose l’État ? Rien. Pas de politique de soins, pas de revenu digne, pas d’accompagnement. Une génération entière, celle de l’après-indépendance, entre dans la vieillesse dans l’oubli.

C’est une autre facette du drame tunisien : ceux qui ont construit ce pays sont aujourd’hui abandonnés par lui. Et ce vide social est comblé — à peine — par les envois de la diaspora.

L’eau : la crise cachée qui va tout emporter

Le recensement ne le dit pas en toutes lettres, mais les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans les régions intérieures, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement reste dramatique : 20 à 40 % de couverture dans certaines zones. Et pendant ce temps, la population se concentre dans les villes déjà saturées. Catastrophe écologique, sociale et sanitaire en marche. Et personne ne répond. Pas de stratégie. Pas d’aménagement du territoire. Pas d’anticipation.

Une société qui s’effondre, un pouvoir qui réprime

Face à ces urgences, que fait le pouvoir ? Il censure, il persécute les journalistes, il emprisonne les avocats, il criminalise les défenseurs des droits humains. Sonia Dahmani est en prison depuis plus d’un an pour avoir parlé. Abderrazak Krimi, incarcéré pour son travail humanitaire auprès des réfugié·es, n’a même pas pu enterrer sa mère.

Nous vivons une époque où la parole devient un crime, où la solidarité est un délit, où la gestion autoritaire tente de masquer l’impuissance institutionnelle. Mais le pays ne tient pas grâce à ses institutions. Il tient malgré elles.

Il tient parce que des femmes s’acharnent à survivre.
Parce que des enfants vivent loin de leurs parents pour leur envoyer de quoi vivre.
Parce que des retraité·es s’endorment avec la peur de n’avoir plus rien.
Parce qu’il reste, ici et là, des poches de courage que les chiffres ne mesurent pas.

Mais ce courage s’épuise. Et quand il n’en restera plus, il ne restera que la colère.

Faire de l’urgence sociale une priorité politique

Il est impératif que le recensement de 2024 soit inscrit à l’ordre du jour de notre agenda.  Les dynamiques qu’il révèle — vieillissement, migrations, féminisation, fracture territoriale — impactent directement l’exercice des droits humains : droit à l’eau, à une retraite digne, à l’égalité, à l’expression, à la protection contre la violence.

Notre plaidoyer, nos luttes, nos stratégies doivent s’adapter à cette réalité. C’est une condition de cohérence, mais aussi de survie politique.

Tunisie 2025 est un point de bascule. Soit nous construisons avec lucidité et courage, soit nous nous réveillerons trop tard.

Ce pays ne tombera pas à cause de ses ennemis.
Il tombera parce que ceux qui le portent aujourd’hui ne peuvent plus le faire seuls.

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