La loi de finances 2025 récemment présentée par le gouvernement tunisien fait grand bruit dans le paysage économique du pays. Affichant des ambitions d’un État social, elle soulève pourtant des doutes sur sa viabilité et sa capacité à répondre aux véritables défis économiques auxquels la Tunisie est confrontée. Dans un contexte de crise financière, de dettes croissantes et d’une inflation galopante, les mesures proposées semblent davantage relever de la promesse populiste que d’une véritable stratégie de redressement économique.
Le gouvernement a promis de renforcer le soutien social aux Tunisiens à travers des augmentations de salaires dans la fonction publique et des subventions pour les produits de première nécessité. Cependant, ces mesures, bien qu’elles répondent à des besoins immédiats, sont-elles réellement soutenables ? La hausse prévue des salaires doit s’accompagner de sources de financement claires. En effet, comment le gouvernement compte-t-il faire face à un taux d’inflation dépassant les 10 % et à un déficit budgétaire déjà alarmant, sans recourir à des emprunts supplémentaires ou à une hausse des impôts ?
Prenons l’exemple des subventions aux produits alimentaires. Si ces subventions sont essentielles pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages, elles représentent également une charge importante pour le budget de l’État. En 2023, les subventions ont absorbé près de 6 % du PIB. Avec des ressources financières limitées, la pérennité de ces mesures est mise à mal, d’autant plus qu’elles risquent d’engendrer un déficit encore plus important à l’avenir.
Pour financer ces dépenses, la loi de finances 2025 prévoit une augmentation significative de la fiscalité. Les entreprises et les ménages devront faire face à des impôts plus lourds, ce qui pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’économie tunisienne. Une fiscalité accrue pourrait dissuader les investissements étrangers, alors que la Tunisie a désespérément besoin de capitaux pour relancer sa croissance. En 2023, la chute des investissements étrangers a atteint un niveau critique, avec une baisse de 30 % par rapport à l’année précédente. Augmenter la pression fiscale sur les entreprises dans ce contexte pourrait s’avérer catastrophique.
Prenons le secteur du tourisme, un pilier de l’économie tunisienne qui a déjà été durement frappé par la pandémie de COVID-19. En augmentant les taxes sur les entreprises touristiques, le gouvernement risque de décourager les investissements dans ce secteur vital. Cela pourrait également nuire à l’emploi, alors que le tourisme représente directement et indirectement près de 15 % de l’emploi total en Tunisie. Au lieu de stimuler la reprise du tourisme, le gouvernement risque d’installer un climat d’incertitude qui pourrait entraver toute possibilité de redressement.
La loi de finances 2025 prévoit également un recours accru à l’emprunt public pour financer les dépenses de l’État. Cette approche soulève des inquiétudes majeures. La dette publique de la Tunisie, qui s’élevait à plus de 90 % du PIB en 2024, est déjà un fardeau pesant sur les finances nationales. En s’engageant dans une spirale d’emprunts, le gouvernement s’expose à des taux d’intérêt de plus en plus élevés, surtout dans un contexte de resserrement monétaire global. Si le pays continue sur cette voie, il pourrait rapidement se retrouver dans une situation de défaut de paiement, ce qui serait catastrophique pour l’économie et pour la confiance des investisseurs.
L’exemple de la Grèce, qui a dû faire face à une crise de la dette dans les années 2010, doit servir d’avertissement. Des années de politique d’emprunt et de déficits budgétaires ont conduit le pays à une récession profonde et à des mesures d’austérité sévères. La Tunisie ne peut pas se permettre de suivre ce chemin, surtout alors qu’elle lutte déjà contre un chômage élevé et des tensions sociales croissantes.
Alors que le gouvernement affirme vouloir lancer des réformes structurelles pour relancer l’économie, les propositions contenues dans cette loi de finances semblent insuffisantes. La Tunisie a besoin de réformes audacieuses dans des secteurs clés tels que l’agriculture, l’industrie et le numérique. Par exemple, l’agriculture, qui emploie près de 15 % de la population active, doit être modernisée pour améliorer la productivité et la rentabilité. Pourtant, la loi de finances ne fait que survoler ces questions sans apporter de solutions concrètes.
En outre, les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent la majorité des entreprises tunisiennes et sont essentielles pour la création d’emplois, ont besoin d’un cadre législatif favorable et d’incitations réelles pour se développer. Les promesses de soutien aux PME, si elles ne sont pas accompagnées de mesures concrètes, risquent de rester lettre morte. Les entrepreneurs tunisiens font face à des défis quotidiens, notamment la bureaucratie excessive et le manque d’accès au financement. Ignorer ces réalités ne fera qu’aggraver la situation économique du pays.
La loi de finances 2025, telle qu’elle est présentée, ressemble davantage à un catalogue de bonnes intentions qu’à un plan cohérent de redressement économique. Les promesses d’un État social, la hausse de la fiscalité et le recours à l’emprunt ne constituent pas une réponse adéquate aux problèmes structurels auxquels la Tunisie est confrontée.
Pour éviter de sombrer davantage dans le bourbier économique, le gouvernement tunisien doit impérativement élaborer une stratégie solide et cohérente qui allie justice sociale et croissance durable. Les décisions prises aujourd’hui déterminent l’avenir économique de la Tunisie. Les citoyens méritent un plan de développement qui assure leur prospérité et leur dignité, et non des promesses vides qui risquent de les plonger encore plus dans la précarité. Le temps est venu d’agir avec responsabilité et vision, car l’avenir économique du pays en dépend.