Récemment, la Tunisie connaît une détérioration préoccupante de la liberté d’expression et de la transparence politique. L’intensification de la censure, les restrictions imposées aux journalistes et les difficultés accrues pour obtenir des accréditations menacent sérieusement l’espace médiatique tunisien.
Les autorités tunisiennes ont renforcé les mécanismes de contrôle de l’information en recouvrant à des lois sur la diffamation et la protection de l’État pour museler la presse indépendante. Par exemple, en 2023, plusieurs journalistes ont été inculpés sous des accusations vagues de “diffamation” après avoir critiqué publiquement les politiques gouvernementales. Cette répression crée un climat de peur parmi les professionnels des médias, limitant leur capacité à relater et à commenter librement les événements.
Les journalistes en Tunisie font face à de nombreuses barrières dans l’exercice de leur profession. Les arrestations arbitraires, les menaces et même les violences physiques sont devenues monnaie courante contre ceux qui osent enquêter sur des sujets sensibles ou critiquer les autorités. De plus, l’accès aux informations officielles est souvent restreint, compliquant la tâche des journalistes souhaitant fournir une couverture exhaustive et objective des événements politiques.
Un exemple récent de cette répression médiatique est l’absence notable de Jeune Afrique des kiosques en Tunisie. Cette absence est le résultat de pressions et de restrictions imposées par les autorités tunisiennes, visant à limiter la diffusion d’informations critiques et indépendantes. Cette stratégie vise à réduire la visibilité des médias internationaux qui pourraient exposer les dysfonctionnements et les dérives au sein du gouvernement, renforçant ainsi le contrôle étatique sur le paysage médiatique national.
De nombreux journalistes tunisiens ont été spécifiquement visés par ces mesures répressives. Parmi eux :
- Mohammed Boughalleb : inculpé en vertu de l’article 24 du Décret n°54 pour avoir critiqué le ministre des Affaires religieuses. Libéré après une courte détention.
- Monia Arfaoui : également inculpée via l’article 24 du Décret n°54 pour des critiques similaires envers le ministre des Affaires religieuses. Relâchée par la suite.
- Yassine Romdhani : arrêté puis relâché pour avoir critiqué le ministre de l’Intérieur.
- Nizar Bahloul : accusé de conspiration contre la sécurité de l’État, bien que les accusations manquent souvent de fondement solide.
- Haythem Makki : similaire à N.Bahloul, accusé de conspiration
- Elyes Gharbi : critique les forces de sécurité, entraînant des poursuites judiciaires.
- Chadha Haj Mbarek : mentionnée dans une affaire de conspiration contre la sécurité de l’État.
- Zied El Heni : Accusé d’offenser via les réseaux sociaux, sous le coup de l’article 24 du Décret n°54.
Ces cas illustrent l’utilisation systématique du système judiciaire pour étouffer la dissidence et contrôler le discours public. Les accusations portées contre ces journalistes incluent la critique des ministres (Affaires religieuses, Intérieur, Commerce), la dégradation du moral des forces armées, la conspiration contre la sureté de l’État de sécurité, et l’offense via les réseaux sociaux. Ces poursuites judiciaires, souvent basées sur des charges vagues et arbitraires, servent à intimider et à réduire au silence les voix critiques au sein des médias tunisiens.
Les difficultés à obtenir des accréditations constituent un autre obstacle majeur pour les médias en Tunisie. Non seulement les journalistes individuels sont confrontés à des refus arbitraires, mais les associations dédiées à la surveillance des élections se voient également refuser les accréditations nécessaires pour exercer leur mission. Ces associations jouent un rôle crucial dans la garantie de la transparence et de l’équité des processus électoraux. Cependant, plusieurs d’entre elles ont signalé des refus injustifiés d’accréditation, limitant leur capacité à surveiller les élections de manière indépendante et objective. Cette situation renforce le contrôle étatique sur les informations relatives aux élections et compromet la crédibilité du processus démocratique en Tunisie.
Toutes ces restrictions cumulées contribuent à une diminution significative de la transparence autour des processus politiques en Tunisie. L’accès limité à des informations fiables et diversifiées empêche les citoyens de se forger une opinion éclairée et de participer pleinement au débat public. En conséquence, la confiance envers les institutions politiques s’érode, fragilisant davantage le paysage démocratique du pays. Un exemple frappant est la couverture des manifestations récentes contre la hausse des prix, où les médias indépendants ont eu un accès limité aux informations et ont été empêchés de diffuser des reportages en temps réel.
En conclusion, l’intensification de la censure, les restrictions imposées aux journalistes et les difficultés à obtenir des accréditations constituent des obstacles majeurs à la transparence des événements politiques en Tunisie. Les exemples récents, tels que les agressions contre les journalistes, les poursuites judiciaires injustifiées, l’absence de Jeune Afrique des kiosques et les refus d’accréditation pour les associations de surveillance électorale, illustrent la détérioration de la liberté de la presse et de la démocratie dans le pays. Pour préserver et renforcer la démocratie naissante de la Tunisie, il est impératif que les autorités tunisiennes évaluent leurs politiques en matière de liberté de la presse et de transparence, permettant ainsi un débat public ouvert et constructif.