Décryptage du décret 541-2024 – Vers une justice express ?

La diversion à laquelle le régime en place en Tunisie recourt sous couvert d'un discours populiste cache ses vrais agissements mais que les textes parus au Journal officiel de la République tunisienne (JORT) trahissent. On analysera régulièrement les textes révélateurs des politiques nébuleuses sévissant dans différents domaines.
De point de vue de la forme, il est assez curieux de constater que dans le préambule du texte on trouve une référence à la loi n°29 de 1976 relative à l’organisation du système judiciaire et du conseil supérieur de la magistrature du 14 juillet 1967 et tous les textes qu’ils l’ont modifié ou complété notamment la loi organique n°81 de 2005 du 4 août 2005. Mais ce qui saute à l’œil c’est l’absence du décret-loi 11-2022 du 12 février 2022 portant création du conseil supérieur provisoire de la magistrature, un  texte considéré comme une réforme phare de la justice par le régime en place surtout après le décret-loi 35-2022 du 1er juin 2022 qui l’a modifié. Pourtant le préambule du décret 541 énumère une dizaine de texte de rang bien inférieur.

Le décret 541-2024 relatif à la promulgation de règles exceptionnelles pour la promotion 32 des auditeurs de justice.

De point de vue de la forme, il est assez curieux de constater que dans le préambule du texte on trouve une référence à la loi n°29 de 1976 relative à l’organisation du système judiciaire et du conseil supérieur de la magistrature du 14 juillet 1967 et tous les textes qu’ils l’ont modifié ou complété notamment la loi organique n°81 de 2005 du 4 août 2005. Mais ce qui saute à l’œil c’est l’absence du décret-loi 11-2022 du 12 février 2022 portant création du conseil supérieur provisoire de la magistrature, un  texte considéré comme une réforme phare de la justice par le régime en place surtout après le décret-loi 35-2022 du 1er juin 2022 qui l’a modifié. Pourtant le préambule du décret 541 énumère une dizaine de texte de rang bien inférieur.

On ne peut pas expliquer cette absence par l’oubli ou par la relation improbable du texte omis avec l’objet du décret. En revanche on est tenté d’expliquer cette omission comme une exécution (une réaction aux) des mesures provisoires décidées par la Cour Africaine des Droits de l’homme et des peuples, le 03 octobre 2024, dans l’affaire n°08-2024 Hamadi Rahmani et autres contre l’Etat Tunisien. La Cour Africaine, considérant le danger manifeste sur l’indépendance de la magistrature tunisienne, a ordonné la suspension de l’application du décret-loi 35-2022 et le décret n°516-2022 relatif à la révocation de magistrats. Bien que la Cour a été formelle, il parait inopportun de constater que l’omission de la mention du décret -loi 11-2022 dans le préambule du texte du décret 541-2024 n’a aucun lien avec l’exécution des mesures provisoires de la Cour continentale pour la simple raison que la Tunisie n’a pas présenté à la  Cour un rapport des mesures prises pour respecter celles décidées par la Cour dans le délai imparti.

En revanche on peut à juste titre confirmer que le régime en place a suspendu l’application de ces textes de facto puisqu’il n’y a plus de quorum au sein du conseil supérieur provisoire de la magistrature instaurée par Kais Said et tous ces prérogatives ou la plupart de celles-ci sont usurpées par la ministre de la Justice qui en abuse par simple production de notes de service quasi quotidiennes, ce qui pourrait être une explication plus plausible.

Pour ce qui est d’objet, la formation initiale des auditeurs de justice par l’Institut supérieur de la magistrature revêt une importance primordiale que se soit pour la garantie d’une qualité requise pour la magistrature ou pour les magistrats. Plusieurs textes encadrent cette formation initiale. En temps normal cette formation dure 2 ans un an en présentiel à l’Institut où le programme comprend un contrôle contenu et des examens écrits et oraux et un an de stage où les auditeurs de justice sont appelés à rédiger deux rapports semestriels et au début de la 2éme année chaque auditeur choisit un sujet de mémoire.

Le décret du 30 octobre 2024 vient dispenser les auditeurs de justice du groupe n° 32 du deuxième rapport semestriel de la première année. Sans s’attarder sur le détail l’idée est d’abréger la formation en vue d’accélérer le processus de formation et donc avoir des juges au plus vite possibles.

Peut-on expliquer le phénomène par la nécessité de satisfaire les besoins des tribunaux ou plutôt par un changement de la conception des magistrats et de la magistrature ?

Pour ce qui est de la demande c’est-à-dire les besoins des tribunaux, il est indiscutable qu’ils sont réels et palpables. D’ailleurs, parfois on ouvre le concours pour des auditeurs plus nombreux que d’habitude. Il suffit de lire les communiquées de la société civile ou les organisations professionnelle pour se rendre compte de la carence constatée d’un nombre suffisant de magistrats que se soit pour les tribunaux de la capitale et des grandes villes ou celles de l’intérieur.  Mais il faut bien  se garder de considérer ces mesures décidées pour la formation initiale comme une réponse à cette carence. Car le manque accusé est pour les magistrats du 2éme et 3éme rang que l’Institut ne procure pas au bout de la formation initiale. Les mesures n’ont donc aucun rapport avec les problèmes d’effectif que connait la magistrature.

Etant donnée que le décret se réfère à la loi 1967, le régime peut-il en épuiser la solution appropriée ?

En effet, tout comme c’est le cas maintenant, la magistrature tunisienne en 1967 avait un problème d’effectif qualifié et le législateur a prévu une solution dans son article 32 mais cette solution n’a jamais été appliquée. Le texte prévoit que des avocats et des professeurs de droits peuvent être nommés comme magistrats. Les conditions d’application du texte sont fixés par le ministre de la Justice. Evidement ces deux corps sont les corps les plus relativement indépendant du régime en place les professeurs de droit ont maintes fois exprimer leurs condamnations aux violations des principes de l’état de droit et des droits de l’homme du régime par des communiquées et des pétitions. L’Ordre des avocats l’a fait aussi mais de manière beaucoup plus timide. Les juges, selon le régime en place, doivent comme l’a déclaré le président de la république plusieurs fois, adhérer à sa « guerre de libération » et faire preuve de leur conscience du moment historique. La pratique de l’application de la révocation par ce dernier et des notes de services par son ministre de la Justice nous éclaire plus sur le rôle escompté par le régime des magistrats. En effet il ne s’agit pas de relation clientéliste tout a fait rodée comme ce fut le cas avec le régime Ben Ali. Le juge en Tunisie ne doit pas, aujourd’hui, se contenter d’appliquer les instructions mais ils dot anticiper dans le bon sens ; une tache qui n’est pas toujours facile vu le changement assez rapide et imprévisible des clans aux commandes. La formation initiale à l’Institut supérieur de la magistrature ne saurait subvenir à ce défi quelque soit sa durée. Il est clair que  la décision de l’écourter rime avec la réalité du pouvoir judiciaire – ou la fonction judiciaire- selon la Constitution de Kais  Said.

Partager l'article:

Articles Similaires

De point de vue de la forme, il est assez curieux de constater que dans le préambule du texte on trouve une référence...
La diversion à laquelle le régime en place en Tunisie recourt sous couvert d'un discours populiste cache ses vrais agissements mais que les...
Retour en haut