Universités tunisiennes : une circulaire qui « habille »l’autoritarisme

À la rentrée universitaire 2025-2026, un communiqué conjoint de la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis et de la Faculté des sciences économiques et de gestion a déclenché un tollé. Sous couvert de « rappeler le règlement intérieur », l’administration a publié une liste de restrictions absurdes : interdiction des pantalons déchirés, des jupes courtes, des shorts (ou « chortes », selon la faute devenue virale), des maquillages « excessifs » et même des tenues jugées trop « voyantes ».

Un texte qui en dit long : au lieu de se battre pour la qualité des cours, la recherche ou les débouchés professionnels, l’université publique tunisienne choisit de contrôler… la longueur des jupes et l’épaisseur du mascara.

Ce n’est pas un détail. Quand une université s’arroge le droit de décider de ce que les étudiants portent, elle bascule dans une logique disciplinaire digne d’un autre âge. Ce n’est plus de pédagogie qu’il s’agit, mais de police du corps.
Et derrière le corps, c’est la liberté qui est visée. Liberté d’expression, liberté d’être soi, liberté académique. Ce sont ces libertés qui sont réduites quand l’université impose un moule vestimentaire.

Le ridicule de ces circulaires n’est pas seulement dans les fautes d’orthographe (« chorte ») ou les termes flous comme « indécence » et « maquillage excessif ». Le problème est de fond : l’université n’a pas pour mission de moraliser ou de juger l’apparence. Elle doit enseigner, stimuler la pensée critique, préparer des citoyens et des professionnels.
Harvard, Oxford, la Sorbonne ou Cambridge ne perdent pas une minute à mesurer la taille d’une jupe ou à compter les trous d’un jean. Elles investissent dans la recherche, dans l’innovation et dans la créativité. En Tunisie, on recycle un langage bureaucratique poussiéreux pour masquer l’échec de l’institution à remplir sa vraie mission.

À travers ces communiqués, c’est l’esprit même de l’université qui est dévoyé. L’espace académique devrait être un lieu d’émancipation, de pluralité et de débat. Il devient un espace de surveillance et d’uniformisation.
Cette dérive n’est pas anodine : elle prépare des générations à l’obéissance plutôt qu’à la liberté. Elle fabrique des sujets dociles, pas des citoyens critiques.

Le contraste est saisissant : dans les universités privées ou étrangères implantées en Tunisie, les étudiants s’habillent librement, expérimentent, affirment leur style, et apprennent dans un climat de confiance. Dans le public, on infantilise, on surveille et on sanctionne. Deux jeunesses coexistent : l’une ouverte sur le monde, l’autre enfermée dans un conservatisme d’État.

Interdire un jean troué ou un maquillage, c’est bien plus qu’une mesure administrative. C’est la manifestation d’une volonté de contrôle social qui s’infiltre partout : jusque dans les universités, censées être un espace de libre expression es espaces de liberté.
Un régime sans libertés académiques n’est qu’un décor creux. Et une université qui surveille les corps au lieu de former les esprits abdique sa mission première.

En Tunisie, les circulaires vestimentaires ne protègent ni la décence ni l’université. Elles révèlent un pouvoir obsédé par le contrôle et incapable d’assumer la liberté. Ce n’est pas la jupe qui est trop courte, mais la conception académique.

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