La situation en Tunisie est alarmante. Sous le gouvernement de Kaïs Saïed, la loi des bonnes mœurs s’est muée en un puissant outil de répression, visant à faire taire toute opposition. Initialement destinée à préserver la “moralité publique”, cette loi aux contours flous et subjectifs permet d’inculper les citoyens pour des comportements ou des propos simplement jugés inconvenants par le pouvoir. Résultat : une vague d’arrestations ciblant créateurs de contenus, activistes et journalistes, dont le seul “crime” est d’avoir exprimé une pensée critique ou un mode de vie alternatif.
Ce texte de loi, d’une ambiguïté choquante, ne définit pas clairement ce qui constitue une atteinte “aux bonnes mœurs.” Ce flou permet aux autorités d’interpréter et d’appliquer la loi à leur convenance, ciblant n’importe qui pour des motifs arbitraires. Un simple commentaire en ligne, une photo jugée provocante ou même une plaisanterie peut suffire pour qu’une personne soit arrêtée, poursuivie et, dans certains cas, condamnée. La question de la moralité devient ainsi un alibi, un prétexte pour instaurer un climat de peur et contrôler la population par le biais d’une répression ciblée.
Dans un véritable État de droit, une telle loi serait inacceptable. Les démocraties modernes reposent sur des lois transparentes et précises, encadrant l’action de l’État pour éviter tout abus de pouvoir. En Tunisie, au contraire, la loi des “bonnes mœurs” est un instrument d’oppression liberticide, incompatible avec la liberté d’expression garantie par la Constitution. Elle impose une autocensure généralisée et mine directement les fondements d’une société démocratique en réprimant les voix indépendantes.
L’application de cette loi représente un retour en arrière inquiétant pour une Tunisie qui, après la révolution de 2011, avait amorcé une transition vers la démocratie et la liberté d’expression. Le régime actuel, cependant, semble décidé à démanteler ces acquis. Chaque arrestation, chaque procès symbolise cette volonté de contrôler les esprits et de façonner une société conforme aux idéaux restrictifs de ceux au pouvoir. En ciblant les créateurs de contenus, les jeunes et les voix critiques, le gouvernement sape les bases mêmes de l’espace public, empêchant tout dialogue et toute remise en question de l’autorité.
Loin de garantir la sécurité publique ou de préserver les valeurs sociales, cette loi installe un climat de peur. Les citoyens tunisiens sont réduits à surveiller leurs paroles, leurs publications, leurs comportements, craignant constamment que le moindre geste puisse leur valoir une accusation d’immoralité. Cet environnement d’autocensure est caractéristique d’un régime autoritaire, où les libertés individuelles sont sacrifiées au profit de l’ordre imposé par l’État. Sous ce contrôle, toute créativité, toute diversité d’opinion, toute différence de pensée se retrouve menacée.
Face à cette dérive autoritaire, il est impératif que la communauté internationale, ainsi que les organisations de défense des droits humains, exercent une pression sur le gouvernement tunisien. La Tunisie, autrefois symbole d’espoir, mérite un système juridique protecteur et respectueux des libertés. Un silence prolongé face à cette oppression pourrait non seulement légitimer cette loi mais aussi encourager d’autres gouvernements à utiliser des moyens similaires pour museler leurs propres populations.
La lutte pour la liberté en Tunisie ne peut être abandonnée. La société civile, malgré les pressions, résiste encore. Il est de notre devoir collectif de soutenir cette résistance et de revendiquer un avenir où les citoyens tunisiens ne vivent plus sous la menace de lois arbitraires, mais dans un État de droit où leurs voix sont écoutées et respectées.