À compter du 1er août 2025, les produits tunisiens seront frappés d’une taxe douanière de 25 % à leur entrée sur le marché américain. La décision, officialisée par une lettre du président Donald Trump à une douzaine de chefs d’État, dont Kaïs Saïed, marque un tournant abrupt dans les relations tuniso-américaines. Et pourtant, aucune réaction officielle n’a été enregistrée du côté tunisien. Ni protestation, ni clarification, ni défense des intérêts nationaux. Le mutisme est total. Et il coûte cher.
Cette surtaxe douanière, justifiée par Washington comme une mesure de « rééquilibrage du déficit commercial », s’inscrit dans une nouvelle stratégie de guerre commerciale globale assumée par l’administration Trump. Après avoir instauré une surtaxe plancher de 10 % sur l’ensemble des importations, les États-Unis passent à la vitesse supérieure en imposant des mesures punitives ciblées, sans négociation préalable. La Tunisie figure désormais aux côtés de pays comme la Birmanie, le Laos ou l’Afrique du Sud, considérés comme “contrevenants commerciaux”.
Pour le CRLDHT, cette mesure est non seulement économiquement violente, mais politiquement injuste et juridiquement contestable. Elle viole l’esprit des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Accord-cadre de commerce et d’investissement (TIFA) signé en 2002 entre Tunis et Washington, ainsi que les principes du Système généralisé de préférences (SGP), qui garantissait jusqu’alors un accès facilité au marché américain.
Une économie punie, un pouvoir figé
Ce qui choque, au-delà de la décision américaine, c’est l’absence totale de réaction de la part de l’État tunisien. Depuis les premières alertes du mois d’avril, aucun signal n’a été envoyé aux États-Unis, aucune initiative n’a été prise au sein de l’OMC, aucun message n’a été adressé à la population tunisienne pour expliquer la situation. Même après la réception officielle de la lettre de Donald Trump le 7 juillet, la présidence, le gouvernement, le ministère du Commerce comme celui des Affaires étrangères ont gardé le silence.
Ce silence n’est pas une simple omission. Il est l’expression d’une diplomatie atrophiée, d’un pouvoir enfermé dans ses logiques autoritaires, incapable d’articuler une stratégie économique cohérente face aux pressions extérieures. Il s’inscrit dans une série d’échecs accumulés depuis le 25 juillet 2021, date du coup de force constitutionnel opéré par Kaïs Saïed. Depuis, les atteintes aux droits de l’homme, les discours de haine, les accusations de trahison contre toute opposition ont remplacé la politique économique. Et aujourd’hui, c’est toute la Tunisie qui en paie le prix.
Une gifle pour les les secteurs clés
La surtaxe de 25 % imposée par Washington frappera de plein fouet des secteurs déjà fragilisés : l’huile d’olive, les dattes, les textiles, les composants électroniques. En 2024, les exportations tunisiennes vers les États-Unis avaient atteint 1,1 milliard de dollars. Cette dynamique positive, fruit de la compétitivité des produits tunisiens, est désormais menacée. Le risque est clair : voir ces produits remplacés sur le marché américain par ceux d’autres pays non soumis aux mêmes sanctions, comme le Maroc, qui bénéficie d’un accord de libre-échange.
Au lieu de mobiliser ses leviers diplomatiques, la Tunisie s’est contentée de subir. Alors que l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Indonésie ou encore le Vietnam ont tous engagé des négociations, conclu des accords ou obtenu des réductions de surtaxes, Tunis est restée à l’écart. Cette passivité stratégique est lourde de conséquences. Dans un monde où le commerce devient une arme diplomatique, l’invisibilité est une condamnation.
Une souveraineté à reconstruire
La réponse à cette agression économique ne saurait se limiter à l’indignation. Elle appelle une refondation. Le CRLDHT appelle solennellement :
- Les autorités tunisiennes à sortir de leur isolement autoritaire, à rétablir les institutions démocratiques et à engager une politique économique responsable et inclusive. C’est en mettant fin à la répression politique et en réunifiant les Tunisiens autour d’un projet collectif que la Tunisie pourra redevenir audible sur la scène internationale.
- L’administration américaine à revenir sur cette décision injuste, unilatérale et contraire à l’esprit de partenariat historique entre les deux pays. Les peuples tunisien et américain partagent des liens de respect et de solidarité. Il est inacceptable qu’une mesure brutale vienne punir les travailleurs tunisiens pour des décisions prises sans concertation.
- La société civile tunisienne, en Tunisie comme à l’étranger, à s’organiser pour défendre une vision alternative de la souveraineté : fondée non sur les slogans creux ou les postures autoritaires, mais sur la justice sociale, l’État de droit, l’ouverture équitable au monde et la défense proactive de nos intérêts économiques.
Un avertissement pour l’avenir
La décision américaine n’est pas une simple sanction tarifaire. C’est un message adressé à la Tunisie : celui d’un pays perçu comme isolé, vulnérable et incapable de se défendre. Elle met en lumière l’urgence d’une diplomatie économique proactive, d’alliances stratégiques et d’un discours de vérité avec les partenaires internationaux.
Le silence actuel des autorités tunisiennes est une faute stratégique. Le redressement passera par une reconquête politique et diplomatique de la place de la Tunisie dans le monde. Et cette reconquête commence par une exigence de vérité, de transparence, et de responsabilité.
Dans un monde où les absents ont toujours tort, la Tunisie ne peut plus se permettre de ne rien dire, de ne rien faire, de ne rien proposer. Car ce n’est pas seulement notre commerce extérieur qui est en jeu, mais notre capacité collective à exister dans un ordre mondial de plus en plus brutal et déséquilibré.