Suite à la délibération de la Chambre criminelle du Tribunal de Première instance de Tunis dans l’affaire dite du transfert « tassfir » (envoi et embrigadement de jeunes jihadistes pour les envoyer dans les zones dites de tensions : Syrie, Libye, etc.), et aux lourdes condamnations de prison prononcées à l’encontre de l’ex-Premier ministre, Ali Larayedh, 34 ans et de 18 à 36 ans d’emprisonnement pour sept autres inculpés — Abdelkrim Labidi, Fethi Beldi, Seifedine Rayes, Sami Chaar, Hichem Saadi, Nouredine Gandouz et Lotfi Amami — ainsi qu’au regard des graves violations qui ont entaché les poursuites dans cette affaire, notamment :
- L’application abusive de la loi organique antiterroriste n°26/2015 à des faits présumés remontant à 2012 ;
- Une instruction et un procès ni à charge ni à décharge, puisque le juge d’instruction et la Chambre criminelle ont refusé d’auditionner, voire de poursuivre les responsables du ministère de l’Intérieur en poste à l’époque des faits, ou encore de consulter les archives du ministère dont notamment les procès-verbaux des réunions du ministre en poste à l’époque et les correspondances officielles réputés « détruits » ;
- La qualification des accusés considérés comme responsables au sens de l’article 10 de la loi n°26/2015, autrement dit des « agents légalement chargés de constater et de réprimer les infractions terroristes » , à savoir le ministère public et la police judiciaire , alors qu’aucun des accusés ne dispose en vertu de la loi de telles prérogatives ;
- Le fait que les autorités se sont abstenus d’auditionner les directeurs du ministère de l’Intérieur et les membres des gouvernements qui ont suivi bien que les données statistiques montrent que le phénomène du transfert s’est aggravé sous leur mandature ;
- L’absence de lien entre les faits reprochés aux accusés et les charges retenues contre eux.
Le CRLDHT :
- Condamne fermement les violations — désormais systématiques — des droits à un procès équitable digne d’une justice indépendante, l’affaire dite du transfert en constituant une illustration supplémentaire.
- Dénonce l’instrumentalisation politique d’un dossier dont la gravité exigerait une instruction approfondie et respectueuse des textes en vigueur ;
- Appelle à un traitement judiciaire sérieux des infractions liées au terrorisme afin que justice soit rendue et que de telles crimes soient évitées à l’avenir, d’autant plus que la pauvreté et les phénomènes de marginalisation qui se sont encore aggravés depuis le coup d’État de Kaïs Saïed constituent un terreau fertile pour l’extrémisme.
- Exprime une nouvelle fois sa solidarité avec les victimes de ces procès tenus au mépris des règles de justice élémentaires et considère la détention de l’ex-ministre de l’Intérieur et ex-Premier ministre, Ali Larayedh, comme arbitraire. Il qualifie sa condamnation de politique, celle-ci ayant d’ailleurs été propagée sur les réseaux sociaux proches du régime avant même qu’elle ne soit prononcée par les tribunaux !
- Réitère son appel à toutes les composantes de la magistrature et de la société civile tunisiennes à résister à l’arbitraire actuel et à ces violations systématiques des droits humains.