La « justice » de Kaies Saied à distance de la justice
Le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) exprime sa plus vive indignation face à la nouvelle mise en scène judiciaire orchestrée par le régime. Ce vendredi 24 octobre, à 14h, dans une opacité totale, la » justice » a fixé l’audience d’appel dans l’affaire dite du “complot contre la sûreté de l’État” pour le lundi 27 octobre 2025, par visioconférence, et sans présence physique des détenus, ni information préalable à leurs avocats.
Face à cette mascarade, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Maître Boubaker Ben Thabet, a refusé que le barreau tunisien soit un témoin de complaisance ou une “marionnette de paille”.
Grâce à cette position courageuse, le tribunal a été contraint de reporter l’audience au 17 novembre 2025.
Cette manœuvre procédurale est une stratégie délibérée de dissimulation, d’isolement et de contrôle, qui viole l’article 141 bis du Code de procédure pénale, l’article 108 de la Constitution, et les engagements internationaux de la Tunisie. Elle traduit la volonté du pouvoir de transformer la justice en instrument de soumission, au service d’une répression politique méthodique.
Loin de chercher la vérité, ce procès agit comme un écran de fumée. Il vise à détourner l’attention des échecs retentissants du régime sur tous les fronts : crise économique, effondrement institutionnel, catastrophe écologique à Gabès. Pendant que les tribunaux s’empressent de juger des opposants, ils laissent mourir Gabès en silence, incapables de statuer sur la responsabilité d’un modèle industriel failli. Une justice expéditive pour les dissidents, lente voire absente pour les victimes de pollution ou d’injustice sociale .
Ce procès s’inscrit dans une offensive plus large : suspensions arbitraires d’associations indépendantes comme l’ATFD, révocations de magistrats, intimidations contre les journalistes, criminalisation de l’action syndicale. Le régime veut une société sans voix, sans contre-pouvoir, sans témoins.
Tout indique que l’audience du 27 octobre n’est qu’un simulacre destiné à confirmer les verdicts prononcés en première instance, soit plus de 800 années de prison cumulée contre les principales figures de l’opposition démocratique. En cas de confirmation, toutes les personnes encore en liberté provisoire seront arrêtées : avocats, enseignants, ancien·ne·s ministres, militant·e·s, universitaires. La prison politique deviendra la norme.
Ce procès pourrait devenir le plus grand coup de filet politique depuis des décennies en Tunisie, aggravant une situation déjà alarmante en matière de détentions arbitraires.
Ce procès ne concerne pas 40 personnes. Il engage l’idée même de Tunisie. Le droit tunisien consacre des principes fondamentaux : procès équitable, défense effective, comparution physique, liberté d’association et d’expression. Aujourd’hui, ces garanties sont méthodiquement piétinées. Mais l’histoire de ce pays a aussi montré que le droit peut être un levier de sursaut, une matrice de résistance, un langage de dignité.
Le CRLDHT invite la société civile, les citoyennes et les citoyens à se mobiliser :
• À refuser toute audience d’appel tenue en l’absence des accusés — car il ne peut y avoir de justice sans défense, ni de procès sans accusés.
• À dénoncer la suspension arbitraire de l’ATFD et la répression qui s’abat sur les organisations indépendantes.
• À exiger la fin des procès politiques et la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues pour leurs opinions.
• À se rassembler pour reconstruire une justice libre, indépendante, une justice au service du droit, non au service du pouvoir.