Depuis février 2023, l’appareil répressif du régime de Kaïs Saïed tourne à plein régime. Plus le président tunisien perd en légitimité et en popularité, plus la répression s’intensifie : arrestations arbitraires, procès iniques, et instrumentalisation de la justice deviennent les instruments d’un pouvoir obsédé par le contrôle et la peur de la contestation. Les garanties d’un procès équitable sont devenues, dans la Tunisie d’aujourd’hui, une fiction utilisée pour punir les dissidents et assurer l’impunité de la machine autoritaire.
Parmi les nombreuses victimes de cette dérive, Moncef Houaidi incarne la figure d’un résistant local et d’un militant des droits économiques, sociaux et environnementaux. Originaire de Houaidia, dans le gouvernorat de Jendouba, il s’est engagé depuis plusieurs années pour la défense du droit à un environnement sain, à l’eau potable et à la dignité pour les habitants des zones rurales marginalisées du Nord-Ouest.
Moncef Houaidi s’est d’abord fait connaître en 2018, lorsqu’un incident survenu alors qu’il vendait des figues de barbarie l’a propulsé malgré lui sur la scène publique. Après avoir refusé de céder gratuitement ses fruits à un policier, il a été violemment interpellé et aspergé de gaz lacrymogène. Son arrestation avait alors suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Il fut condamné à trois mois de prison avec sursis par le tribunal cantonal de Tabarka – un épisode révélateur du mépris de l’autorité envers les citoyens modestes qui refusent l’arbitraire.
Depuis, Moncef Houaidi est devenu une figure emblématique des luttes écologiques et sociales de la région. À Aïn Dhokar, aux environs de Houaidia, il a mené avec les habitants un long combat contre une carrière de pierre exploitée sans considération pour les conséquences environnementales : destruction des écosystèmes, pollution des sources, atteintes à la faune et à la flore, dégradation des terres agricoles. Les habitants ont organisé plusieurs sit-in et mobilisations pacifiques, exigeant la fermeture du site et la protection de leur environnement.
Ces actions de résistance lui ont valu des poursuites répétées. Condamné par contumace en décembre 2024, Moncef Houaidi a ensuite fait l’objet de nouveaux chefs d’accusation, sans bénéficier d’un réel droit à la défense ni d’un procès équitable. Détenu à plusieurs reprises, il a mené au moins deux grèves de la faim pour dénoncer l’acharnement judiciaire dont il est victime, les atteintes à ses droits fondamentaux et les conditions carcérales déplorables qui ont gravement affecté sa santé.
La Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) lui a apporté son soutien, rappelant le caractère arbitraire et politique de sa détention.
Plus récemment, Moncef Houaidi a été traduit devant un juge d’instruction pour :
- offense au chef de l’État (article 67 du Code pénal),
- diffusion de fausses nouvelles (article 24 du décret-loi 54 de 2022 sur la cybercriminalité).
Le 7 octobre 2025, la chambre criminelle du tribunal de première instance de Jendouba l’a condamné à deux ans d’emprisonnement ferme et 1 000 dinars d’amende – une sentence lourde, injustifiée, et politiquement motivée.
Moncef Houaidi n’est pas un criminel : il est la voix d’une population abandonnée, celle des habitants de Houaidia, de Nadhour, de Tabarka et d’autres régions rurales où la pauvreté, la marginalisation et la pollution minent la vie quotidienne. Il a aussi initié, avec d’autres jeunes et habitants, un projet de « ferme culturelle » alliant agriculture, bibliothèque et espace de création – un projet citoyen et écologique étouffé par l’absence de soutien public.
Son combat illustre la criminalisation croissante des défenseurs de l’environnement et des droits humains en Tunisie, dans un contexte de dérive autoritaire où toute voix libre est suspecte.
Le CRLDHT :
- exprime sa solidarité totale avec Moncef Houaidi et exige sa libération immédiate, ainsi que le respect intégral de ses droits à un procès équitable et à la libre expression ;
- soutient les revendications légitimes pour un environnement sain et un accès équitable à l’eau, portées par Moncef Houaidi, les habitants de Houaidia et, à travers eux, tous les citoyens tunisiens ;
- dénonce les violations systématiques perpétrées par les appareils policier et judiciaire aux ordres d’un pouvoir qui cherche à masquer son échec politique, économique et social par la terreur et l’intimidation, s’en prenant aux paysans, aux syndicalistes et aux militants.