Samir Bettaieb : une victime de plus d’une justice instrumentalisée

Le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT) exprime sa profonde indignation et sa solidarité pleine et entière avec M. Samir Bettaieb, ancien ministre de l’Agriculture et enseignant universitaire, poursuivi dans une affaire politico-judiciaire qui illustre, de manière éclatante, la dérive autoritaire et l’instrumentalisation de la justice à des fins de règlement de comptes.

En Tunisie aujourd’hui, toute tentative de comprendre la logique de cause à effet dans les décisions des officiers de police judiciaire, des juges d’instruction, des chambres d’accusation ou des tribunaux relève de l’absurde. La justice n’obéit plus au droit, mais à un ordre politique. Quand l’appareil judiciaire tout entier se plie aux injonctions du pouvoir et devient l’exécutant docile du récit imposé par le régime, il ne rend plus la justice — il l’assassine.

Depuis sa mise en garde à vue en novembre 2024, aux côtés de son ancien chef de cabinet, dans le cadre de l’affaire dite de l’exploitation agricole Henchir Chaâl, Samir Bettaieb subit une campagne de persécution orchestrée autour d’accusations floues et sans fondement.

L’enquête, initiée par le Pôle judiciaire économique et financier, fait suite à une plainte déposée par une responsable régionale de la police, dans la foulée d’une visite du président Kaïs Saïed sur le site agricole, au cours de laquelle des accusations de corruption ont été proférées contre les responsables de l’exploitation.

Devant le juge d’instruction, on reproche à M. Bettaieb une simple note d’observation formulée en 2019 au président-directeur général de l’Office des terres domaniales (OTD) – un établissement public autonome – relative à la politique de recouvrement des dettes pour la saison de l’olive 2017/2018. Cette note, conforme à la mission de supervision politique et à la conjoncture économique du moment, ne portait sur aucun cas particulier, mais sur une orientation globale formulée après consultation des cadres de l’office.

Malgré ces explications limpides, le parquet et le juge d’instruction ont opté pour une escalade répressive :

  • blanchiment d’argent dans le cadre d’une entente criminelle,
  • exploitation de facilités administratives,
  • atteinte aux biens publics,
  • faux et usage de faux,
  • et même des infractions relevant de la loi antiterroriste.

Or, toutes les décisions évoquées ne relèvent ni en droit ni en fait des prérogatives du ministre, ce que rappellent de nombreux juristes et observateurs.

L’avocate Saïda Garrache a dénoncé un dossier vide : « Samir Bettaieb n’a obtenu aucun avantage personnel, ni dilapidé de fonds publics. Le contrat cité a été conclu avant sa prise de fonction ministérielle, et les actes ultérieurs relèvent de la gestion courante. »

Malgré cela, le parquet a fait appel de sa mise en liberté provisoire, témoignant d’une volonté politique de maintenir la pression judiciaire.

Le CRLDHT

  • Condamne fermement l’instrumentalisation de la justice contre Samir Bettaieb, victime d’un acharnement sans fondement légal ;
  • Appelle à la cessation immédiate des poursuites, à l’abandon de toutes les charges infondées et à la restitution de sa liberté pleine et entière ;
  • Rappelle que le recours abusif à la loi antiterroriste contre des personnalités civiles constitue une violation grave de l’État de droit ;
  • Dénonce le climat d’intimidation, de diffamation et de persécution qui frappe toute voix indépendante dans le pays.

Paris, le 29 mai 2025

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