Le lundi 21 avril au matin, alors qu’une conférence de presse se tenait à la Maison de l’Avocat à Bab Bnet, à Tunis, pour mettre en lumière le scandale du 18 avril 2025 et les violations commises par la 5ème chambre criminelle du Tribunal de Première instance de Tunis – ainsi que celles perpétrées massivement par des juges alignés sur le régime, des agents de la brigade antiterroriste ont envahi le domicile de Maître Ahmed Souab, l’un des plus actifs avocats de la défense dans les affaires politiques fabriquées par le régime de Kaïs Saïed contre ses opposants.
Maître Ahmed Souab est une figure médiatique depuis son passage au Tribunal administratif, où il a exercé comme magistrat. Il est devenu populaire pour son franc-parler et sa compétence juridique. Il n’a cessé de dénoncer le coup d’État de Kaïs Saïed et son entreprise liberticide, destructrice des acquis de la révolution et des principes de l’État de droit. Sa critique virulente de l’anarchie et de l’échec du président a fait de lui une proie de choix pour un régime qui ne sait répliquer que par la répression et les arrestations, faute d’arguments pour défendre son maigre bilan et ses politiques absurdes – ou plutôt ses réactions.
La perquisition au domicile de Maître Souab s’est conclue par son arrestation. Emmené au pôle antiterroriste du Tribunal de première instance de Tunis, où la juge d’instruction du 12e bureau, Bassma Arouri (la même juge qui a émis un mandat de dépôt contre Me Sonia Dahmani sans l’avoir auditionnée), a décidé de le placer en garde à vue pour cinq jours, tout en lui interdisant de voir ses avocats durant 48 heures, comme le prévoit la loi organique antiterroriste. Il a ensuite été transféré à la maison d’arrêt de Bouchoucha.
La porte-parole du pôle judiciaire antiterroriste, Hanen Kadess, a déclaré à l’agence TAP que le procureur général près la cour d’appel de Tunis avait ordonné l’ouverture d’une information judiciaire contre l’avocat Ahmed Souab pour « inculpations terroristes et infractions de droit commun », en lien notamment avec « des menaces de perpétration de crimes terroristes afin de contraindre une personne à faire ou ne pas faire quelque chose » et « l’exposition à un danger de la vie d’une personne protégée, assortie de menaces passibles de peines pénales ».
Elle a précisé que cette ouverture d’instruction faisait suite à la diffusion d’une séquence vidéo dans laquelle Maître Ahmed Souab apparaissait devant la Maison de l’Avocat, le 19 avril 2025, déclarant en dialecte tunisien, littéralement : « Les couteaux ne sont pas sur les gorges des détenus ; les couteaux sont sur la gorge du président de la chambre qui va statuer maintenant, c’est beaucoup de dossiers », tout en faisant un geste d’égorgement avec la main au niveau du cou.
Elle a ajouté que ce fait a été relevé par l’Unité nationale d’investigation des crimes terroristes dans un rapport transmis par le ministère public du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme au procureur général, compte tenu de la qualité d’avocat du mis en cause. Une information judiciaire a ainsi été ouverte, considérant la gravité supposée des actes, après les procédures légales liées au statut d’avocat du prévenu.
Avant même de discuter de l’absurdité de cette poursuite sur les plans factuel et juridique, il faut rappeler que cette dernière est en soi illégale. Elle viole l’article 46 du décret n°79/2011 du 20 août 2011 relatif à la profession d’avocat, qui dispose :
« Dans le cas de poursuites pénales contre un avocat, le président de la section régionale compétente doit en être avisé immédiatement.
L’avocat est déféré obligatoirement par le Procureur général devant le juge d’instruction qui doit procéder à son interrogatoire en présence du président de la section régionale compétente ou de celui qu’il aura mandaté. »
Rien ne prouve que ces procédures aient été respectées.
Sur le fond, il est évident que Me Souab dénonçait de façon imagée la menace exercée par les autorités en place à l’encontre du président de la chambre. Cette image n’a rien de terroriste ou de justiciable : c’est plutôt une énième violation du droit à la liberté d’expression qu’utilise l’appareil répressif de l’État policier pour quelques mots de critique prononcés par Maître Ahmed Souab.
La sinistre exhibition à laquelle se livre ce régime ne semble pas devoir s’arrêter avec la mascarade du procès dit du complot contre la sûreté de l’État – un procès qui a infligé plus de 800 années de prison en moins d’une minute de délibération. Kaïs Saïed ne s’arrêtera certainement là, car, à travers ces arrestations, il cherche à se convaincre de défendre son coup d’État et apaise sa propre phobie d’être renversé à son tour – une entreprise vouée à l’échec, au vu de la situation catastrophique sévissant effondrement dans tous les domaines.