Lundi 27 janvier 2025, la chambre criminelle du Tribunal de Première Instance de Sousse 1 a rendu son verdict concernant M. Mehdi Ben Gharbia, ancien député, ancien ministre et homme d’affaires tunisien. Détenu depuis octobre 2021, M. Ben Gharbia a été condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement : une année pour falsification de documents et trois années pour des infractions fiscales. Une amende de 50 000 (15000€) a également été infligée.
Cette décision, prononcée après plus de deux ans de détention préventive infondée, illustre de manière flagrante l’effondrement alarmant du système judiciaire tunisien, désormais réduit à un outil de répression politique au service de l’exécutif. L’affaire de M. Mehdi Ben Gharbia incarne les abus d’un pouvoir autoritaire qui piétine sans vergogne les droits fondamentaux et sape les fondements mêmes de l’état de droit en Tunisie, marquant une dérive inquiétante vers l’arbitraire et l’injustice systémique.
Le verdict a été immédiatement dénoncé par le Comité de défense de M. Ben Gharbia, qui qualifie cette condamnation de « politique ». Maître Ahmed Souab, avocat et ancien magistrat, a déclaré que cette décision reflète une volonté d’aligner la peine à la durée déjà passée en détention par son client, soit trois ans et quatre mois. Selon lui, les accusations initiales de blanchiment d’argent et de détournement de fonds ont été abandonnées, ne laissant que des infractions fiscales mineures qui, traditionnellement, ne justifient pas des peines d’emprisonnement en Tunisie.
Maître Souab a également critiqué le montant de l’amende, estimant qu’une telle somme est décalée au regard de l’ampleur des activités économiques de M. Ben Gharbia à la tête d’un grand groupe d’entreprises générant des millions de dinars. « Ce verdict montre à quel point cette affaire est utilisée comme un outil de règlement politique », a-t-il ajouté.
Depuis son arrestation le 16 octobre 2021, l’affaire de M. Mehdi Ben Gharbia est marquée par des irrégularités judiciaires flagrantes et un climat politique de plus en plus autoritaire. Initialement accusé de blanchiment d’argent, d’abus de biens sociaux et de falsification de documents, il a obtenu un non-lieu pour les principales accusations en décembre 2021. Toutefois, le procureur de la République a fait appel, entraînant une prolongation de sa détention préventive.
Plusieurs acteurs de la société civile et organisations internationales, notamment Amnesty International et la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH), ont dénoncé cette détention arbitraire. Les campagnes de diffamation menées par des médias proches du pouvoir et la révocation du juge ayant accordé un non-lieu en faveur de M. Ben Gharbia, dans le cadre de la purge des magistrats ordonnée par Kaïs Saïed en 2022, illustrent la politisation des institutions judiciaires en Tunisie.
Au-delà des questions juridiques, les conditions de détention de M. Ben Gharbia sont préoccupantes. Souffrant de problèmes cardiaques, il a dû être hospitalisé à plusieurs reprises, notamment après des grèves de la faim visant à dénoncer l’impossibilité de voir son fils, âgé de six ans, dont il est l’unique parent depuis le décès de son épouse. Lors d’un de ses séjours à l’hôpital, M. Ben Gharbia a été retenu à son lit par des menottes, en violation des normes internationales relatives aux droits des détenus. Ces conditions inhumaines ont été qualifiées de torture psychologique et physique par ses avocats.
L’affaire de M. Ben Gharbia s’inscrit dans un contexte plus large de régression des libertés publiques en Tunisie sous le régime de Kaïs Saïed. Depuis le 25 juillet 2021, date du coup d’état du président tunisien, la concentration des pouvoirs entre ses mains a détruit l’indépendance de la justice et les garanties fondamentales de l’état de droit. La dissolution du Conseil Supérieur de la Magistrature, la révocation arbitraire de 57 magistrats et la politisation de l’appareil judiciaire témoignent d’une instrumentalisation systématique des institutions pour neutraliser les opposants politiques et économiques.
Face à cette situation, le Comité de défense de M. Ben Gharbia lance un appel à la communauté nationale et internationale pour :
- Exiger la libération immédiate de M. Ben Gharbia, conformément aux normes internationales garantissant notamment le droit à un procès équitable.
- Mettre fin aux persécutions judiciaires et politiques à son encontre.
- Garantir un environnement judiciaire indépendant et impartial en alignant les procédures sur les standards internationaux.
- Assurer des réparations pour les préjudices moraux, physiques et professionnels subis par M. Ben Gharbia.
L’affaire Mehdi Ben Gharbia est une illustration accablante de l’érosion brutale des libertés individuelles et des droits fondamentaux dans un contexte de dérive autoritaire et de démantèlement de la démocratie. Ce verdict de quatre ans d’emprisonnement n’est pas seulement une injustice, mais un symbole glaçant de la disparition de l’état de droit en Tunisie où l’arbitraire et la répression ont remplacé la justice et les principes fondamentaux d’une société libre et équitable.
La communauté internationale, les organisations des droits humains et tous les citoyens attachés aux valeurs de justice et de liberté sont appelés à se mobiliser pour soutenir M. Ben Gharbia et rétablir les fondements d’une justice équitable en Tunisie.